Florian Evequoz / 2016-02-01

Modèles familiaux fiscalement favorisés par le mariage

En matière d'impôts, le mariage favorise aujourd'hui principalement trois types de famille en Suisse:

  • les familles dans lesquels le deuxième conjoint ne travaille pas
  • les couples mariés sans enfants
  • les familles disposant d'un revenu brut total inférieur à CHF 50'000.-

Dans tous les autres modèles de famille, en règle générale, les époux mariés paient aujourd'hui plus d'impôts que s'ils n'étaient pas mariés. Le mariage représente donc pour eux une pénalisation fiscale.

Pour arriver à cette conclusion, j'ai réalisé une simulation d'environ 500 modèles familiaux différents et j'ai estimé l'économie d'impôts que procure le mariage au moyen du simulateur fiscal de la Confédération adapté par la RTS. Il faut noter que mon but est d'identifier quels sont les modèles familiaux favorisés ou pénalisés a priori par le système fiscal actuel de façon structurelle, et non pas combien de familles réelles sont effectivement concernées, puisque les chiffres de l'OFS sont à ma connaissance muets sur ce sujet. En d'autres termes, il s'agit d'identifier quelle incitation le système fiscal actuel induit: vaut-il mieux être marié si l'on a des enfants ? Si les deux parents travaillent ? Si l'on a un haut ou un bas revenu ?...

Voici les résultats complets de la simulation.

Dans l'illustration ci-dessus (que l'on appelle un 'unit chart', ou tableau unitaire), je représente chaque modèle familial comme un carré coloré. En survolant chaque carré avec la souris, vous verrez les détails du modèle. Les couleurs ont la signification suivante:

  • Rouge signifie "ce modèle familial est aujourd'hui pénalisé fiscalement par le mariage", c'est-à-dire qu'une famille mariée paiera plus d'impôts que si les conjoints étaient célibataires.
  • Vert signifie "ce modèle familial est aujourd'hui privilégié fiscalement par le mariage", c'est-à-dire qu'une famille mariée paiera moins d'impôts que si les conjoints étaient célibataires.
  • Jaune signifie "le mariage n'a aucun impact fiscal pour ce modèle familial", i.e. la variation d'impôts entre les deux situations est de moins de 5%.

Globalement, le mariage pénalise fiscalement 64% des modèles familiaux ainsi créés, et en favorise 24%. Le mariage a un impact fiscal négligeable sur les 12% restants.

Quels sont les facteurs qui influencent le fait qu'un modèle familial soit favorisé ou pénalisé par le système fiscal ? Pour les identifier, je réorganise ci-dessous ces modèles familiaux en fonction de différents critères. Plus bas, je détaille la méthode de simulation.

Discussion

Grâce à la réorganisation ci-dessus, il est possible d'identifier visuellement quels critères participent à l'incitation structurelle de certains modèles de famille. Concrètement les modèles favorisés par le système fiscal tombent essentiellement dans les trois catégories suivantes :

La simulation permet aussi de constater que le canton d'origine ou la catégorie de revenu de base du ménage n'a pas une incidence notable sur la favorisation ou la pénalisation fiscale.

D'où viennent les données ?

J'ai créé de 504 modèles familiaux en faisant varier les quatre paramètres suivants:

  1. Catégorie de revenu de base des conjoints (3 valeurs possibles):
    • Bas revenu (4126.-/mois selon OFS)
    • Revenu médian (6189.-/mois selon OFS)
    • Haut revenu (8000.-/mois, estimation, l'OFS ne donnant pas de chiffre à ma connaissance)
  2. Taux d'activité du deuxième conjoint (6 valeurs possibles: 0%, 20%, 40%, ... 100%), en supposant que le premier travaille toujours à 100%
  3. Canton d'origine: un des sept cantons romands (avec Berne)
  4. Nombre d'enfants: 0, 1, 2 ou 3

J'ai fait l'hypothèse que les deux conjoints ont la même catégorie de "revenu de base". Ce chiffre sert donc à calculer à la fois le salaire du premier conjoint (emploi à 100% avec "revenu de base" choisi) et celui du deuxième conjoint (au taux de 0% à 100% selon les modèles, multiplié par le même "revenu de base" que celui du premier conjoint). Cette simulation donne 504 modèles familiaux distincts en combinant de manière uniforme les différentes valeurs possibles des paramètres: 7 cantons x 4 choix de nombre d'enfants x 3 catégories de revenu x 6 taux d'activité du deuxième conjoint.

Ensuite, j'ai utilisé le simulateur fiscal de la Confédération adapté et fourni par la RTS pour estimer le montant d'impôts que chacun de ces modèles familiaux paierait en étant mariés et en ne l'étant pas. J'ai éliminé 12 modèles familiaux pour lesquels le simulateur ne retourne pas de résultat cohérent (erreurs d'exécution). Il reste donc dans la simulation finale 492 modèles de familles qui sont représentés ici.

Par ailleurs, il faut noter que cette simulation ne tient pas compte de la fréquence de chaque modèle de famille dans la population. Il s'agit simplement d'examiner, parmi quelques modèles familiaux possibles, lesquels sont favorisés ou pénalisés par le système fiscal et pour quelle raison. En outre, le simulateur fiscal de la Confédération retourne des valeurs approximatives qui ont donc essentiellement une valeur indicative.

Sources & données